un motobéc , concu avant guerre par la firme MOTOBECANE
appréciez le génie ici , il a été refait " au gout du jour dans l'usine motobécane en 1960 ( photos ; vélochris )
ici , dans sa version N°1
avec les dessins de conception des " amortisseurs "
et son histoire ;
raconté par mr patrick BARRABES ;
Si Motobécane est universellement connu pour la célèbre Mobylette, qui a mis la France sur deux roues, il ne faut pas oublier que le constructeur de Pantin a « touché à tout ». Motos, bien sur, dont la production s’est déclinée de cent à sept cent cinquante centimètres cubes, depuis 1923 jusqu’au seuil des années deux mille, mais aussi automobiles, avions, tondeuses, moteurs de chars …. Rien n’a échappé aux planches à dessin de la rue Lesault !
La bicyclette n’a pas été oubliée. C’est en 1934 que les premiers modèles sortent du département vélo situé au premier étage de l’usine de la banlieue rouge parisienne. Bicyclettes robustes, destinées à l’ouvrier pour se rendre à son travail ; vélos porteurs, outils de livraison par excellence tant que la route est plate. Bicyclettes d’enfant qui vont initier des générations de « mômes » à la pratique du deux roues. Certains modèles, je pense au ME de 1964 dont la construction, optimisée à l’extrême, utilisent les lignes d’emboutissage de la Mobylette. Les Vélos de course, amateurs, Clubs, critériums ou professionnels, sont signées des têtes de Gaulois dues au crayon de Géo Ham. Le plus célèbre d’entre eux portera l’orange « Bic » et le jaune de la tunique de Louis Ocana sur le podium du Tour de France 1973.
Si la production des bicyclettes Motobécane, Motoconfort (marque jumelle), Belfo, Garin et Monfort (sous marques) a dépassé les sept chiffres (plus de trois millions d’unités produites), c’est dans le secret des bureaux d’études que vont s’élaborer les modèles les plus extraordinaires : huit vitesses « indexées » associées à une chaine en 9,52 sur l’étude « type C» de 1942 issue de la clandestinité du bureau d’étude caché à St Etienne; cadres en Aluminium au début des années 50, Vélover en 1980 (le VTC avec vingt cinq ans d’avance) ; la liste est longue.
Penchons vous sur le cas de cette bicyclette or métallisé. Elle parait étonnamment moderne pourtant, ses premiers croquis datent de 1937.
Issue d’une idée d’Eric Jaulmes, neveu du fondateur de Motobécane et responsable des études de 1945 à la fin des années soixante dix, elle s’articule autour de deux paramètres majeurs : légèreté et confort pour le cycliste.
Pour le premier paramètre, elle allait utiliser pour ses tubes de cadre le « Reynolds 531 ». Cette nuance d’acier, dont les composantes nobles sont le manganèse et le molybdène, permettait de réduire l’épaisseur des tubes tout en conservant un bon comportement mécanique. Les côtes de ce cadre sont très modernes pour 1937 : embases courtes (distance axe de pédalier – moyeu arrière), pour une meilleure « nervosité » en côte et à la relance ; tube de selle presque droit ; douille (tube) de direction de hauteur réduite pour une rigidité maximum … Seuls, la large tête de fourche avec ses deux plaques brasées et le dérailleur Super Champion trahissent l’âge avancé de ce vélo. Justement, parlons-en, de ce dérailleur. Si le changement de vitesse « en roulant » s’est révélé dés les années vingt, remplaçant avantageusement l’inversion de la roue arrière dont le moyeu recevait un pignon de chaque côté, il était réservé à la course. Il a fallu attendre l’arrivée du Super Champion pour voir se démocratiser ces dispositifs dont nous ne saurions nous passer aujourd’hui. De type « à fourchette », son élément principal est une pièce en bronze formant un « U », commandée par un câble reliée à un levier. Elle va faire « sauter » la chaine sur l’un des quatre pignons. La tension de chaîne est réalisée par un long bras situé sous la boite de pédalier. Celui-ci, muni d’un simple plateau, est un Stronglight datant des années 60. Nous verrons plus loin pourquoi.
Quand ce vélo est vu pour la première fois, la réaction des l’observateurs est en général unanime : Quel est ce dérailleur ?
Si celui-ci, par son aspect inhabituel, est remarqué en premier ce n’est que dans un second temps que l’œil se polarise sur d’étranges tubes qui voisinent avec les moyeux de roue : le second paramètre majeur :
Les suspensions
Si ces éléments servant à isoler le cadre des irrégularités du chemin sont apparus lors de la préhistoire de la bicyclette : Fourche élastique adaptables ; cantilever sur la Clément Berceuse de 1929, selle montée sur une longue lame de ressort chez Vialle, ces systèmes dont la liste est longue vont revenir au gout du jour avec l’arrivée des vélos tout terrain et tout chemin au seuil des années 80. Si certains modèles de haut de gamme (Sun, Commencal …) concilient légèreté et rendement, la majorité de ces systèmes sont lourds et nuisent au rendement. Certains vélos de ce début de 21ème siècle, vendus en grande surface atteignent allègrement vingt kilos (!).
La bicyclette Motobécane se positionne à une période charnière de l’histoire. Depuis deux décennies, les deux roues se sont pratiquement standardisés. Chez Peugeot ou Alcyon, Ravat, Automoto, Terrot ou chez l’un des quelques … vingt mille assembleurs français, on retrouve des modèles similaires, différenciés par leur plaque de marque ou leurs décors mais équipés des même gardes boues Lefol, dérailleurs Cyclo ou Simplex, phares Soubitez ou Cibié et selle Henry Gauthier. La demande pour les modèles « hors normes » est faible.
Pourtant le choix d’une suspension intégrale sur un modèle Motobécane n’est pas anodin. La marque est connue pour posséder un bureau d’étude particulièrement fertile et une telle bicyclette, propulsée par le réseau très dense d’agents de la marque pourrait s’avérer rentable. Eric Jaulmes va donc créer une suspension dont les pièces seront une « dentelle métallique ». 80 grammes pour chacun des quatre éléments, 150 gr pour le moyeu avant à tambour entièrement taillé dans la masse en alu « aviation » (AU4G). Le débattement, à l’avant comme à l’arrière est limité à 38 mm. Mr Jaulmes m’a un jour expliqué que ce choix assurait un bon rendement, ceux qui ont essayé un VTT moderne avec « un pompage » de grande amplitude comprendront. Sur le Motobécane, le but recherché est la filtration des petites irrégularités de la route, celles qui nuisent au confort du cycliste.
Daniel Rebour, dans la revue Le Cycle, écrira en 1948 « L’impression première est justement l’absence d’impression. On est sur un vélo normal, sans sensation de flottement ou de bercement. Le cadre reste parfaitement rigide sous l’effort du coup de pédale. Les roues n’ont pas tendance à se coucher au virage ou lorsque le cycliste roule en danseuse. Mais me voici sur les gros pavés et l’étonnement commence. On ne sent littéralement pas les chocs ! ... »
L’histoire de cette bicyclette.
Issus de la planche d’Eric Jaulmes, les dessins donneront jour a un prototype début 1938. Une première version de fourche, à tubes rectilignes et éléments de suspension déportés sera fabriquée. Essayée sur un premier cadre, elle sera remplacée par un modèle « tout en ligne » ou l’angle de chasse est obtenu par l’inclinaison des tubes au départ de la tête de fourche. Ce sera la seule modification majeure pendant la conception de ce vélo peint en gris beige, couleur bien connue chez Motobécane.
Un point obscur dans le parcours de cette bicyclette. Eric Jaulmes m’a dit, lors d’une de nos rencontres que ce prototype avait été prêté à un coureur pour participer à Paris-Roubaix. Ce ne pouvait être qu’en 1938 ou 1939, mais il ne connaissait pas le nom du cycliste. Mes recherches à ce jour sont restées vaines….
Septembre 1939. La guerre est là, condamnent toutes les études de solutions nouvelles. Il faut produire utile, construire des vélos et quelques deux roues motorisés simples et robustes avec le peu de matière disponible. Eric Jaulmes est envoyé en Syrie. Pendant ce temps, une partie des études émigre à St Etienne ou ils vont travailler dans la clandestinité de la rue Ferdinand. Jaulmes les rejoint fin 42. Les études portent sur quelques vélomoteurs qui vont préparer l’après guerre mais le vélo est prédominant dans le programme de recherches. C’est a ce moment que va être crée le type C, à la cinématique si particulière et le merveilleux tricycle à double pédalier et coque en aluminium qui malheureusement va disparaître dans les oubliettes de l’histoire. Le vélo suspendu n’est pas abandonné. Une liasse complète de plans est réalisée en 42/43. J’ai la sensation que l’aboutissement de ce projet était devenu presque obsessionnel pour son créateur.
1945. La fin des hostilités ramène l’espoir mais pas la possibilité de reprendre une production normale. La matière manque et seuls les véhicules strictement utilitaires sont autorisés. Le bureau d’étude est revenu à Pantin. Eric Jaulmes récupère la bicyclette suspendue. Il l’utilisera à titre personnel jusqu’au seuil des années 1990 !
En 1948, une volonté de mise en fabrication semble s’établir, mais les temps ne s’y prêtaient pas. Cela nous a quand même valu un article et de superbes dessins de Daniel Rebour dans Le Cycle.
1960. Déjà plusieurs décennies d’utilisation intensive. La bicyclette vieillit bien. Aucune usure anormale ne vient marquer les organes de suspension mais la peinture à vécu. Le département vélo de Motobécane va se charger d’une remise à neuf. Il n’est pas question d’une … restauration. Le vélo n’est pas objet de collection mais un moyen de déplacement quotidien. Respecter l’origine n’est pas indispensable et ce sera un « doré métallisé » qui sera appliqué sur le cadre tandis que guidon et commandes seront repris sur la gamme de cette année là.
2006. Quelques quinze ans d’abandon ont marqués la bicyclette à suspensions intégrales. La peinture est restée fraiche mais les alus ont ternis et les rayons sont encroutés par la rouille. Les boyaux Wolber, séchés par le temps, ont renoncé à maintenir le moindre gramme d’air.
Le possesseur actuel, au moment de la restauration de ce qui reste un modèle majeur dans l’histoire du vélo français s’est trouvé en face d’un dilemme : Faut-il retrouver l’aspect de 1938 ? Faut-il respecter les étapes de la vie de ce vélo, avec ses évolutions et parfois ses petits accrocs.
C’est cette dernière solution qui a prévalue, aidée il est vrai par l’impossibilité de détruire le travail de l’artiste qui à peint à la main les filets de ce cadre, attestant par la précision de ses coups de pinceaux, le respect porté à Eric Jaulmes par les gens de la Motobécane.
Dernière édition par caskaboulon le Mar 2 Déc 2014 - 18:52, édité 1 fois