La semaine dernière, parcourant tranquillement les allées du marché aux vélos de Montalcino, la veille de la course dite "héroique" du meme nom à laquelle, imprudent et téméraire, je m'étais inscrit, je sifflotais tranquillement un petit verre de Brunello bien fait en me demandant si les vitesses de mon fidèle Gitane Super Sprint de 1978 allaient tenir le coup comme il y a deux ans, sur les strade bianche un peu tapantes...
Soudain, mon oeil, mon coeur et mon cerveau sont attirées par un monsieur d'un certain âge, manifestement plus amateur des productions viticoles locales que de la pratique de la bicyclette, qui pose fièrement à coté d'un beau vélo rouge.
Le dit vélo porte une étiquette de prix fort alléchante, inférieure en tout cas à ce qu'on voit d'habitude pour les productions transalpine de belle qualité.
Concrètement, un Colnago Super rouge Sarroni, en bel état d'usage (comme on dit), ce qui veut dire qu'il est un peu passé, qu'il comporte quelques traces de rouilles (mais rien de méchant ni de traversant) et que les chromes, s'ils présentent encore fort bien, méritent un petit coup de laine d'acier.
Le groupe Campagnolo est complet, et les roues "Ambrosio Servizio Corse" sont en parfait état.
Ni une ni deux, mon cerveau débranche ses capacités d'analyse, je vais tirer des sous et je tends fébrilement au monsieur les billets pour une somme finalement convenue à 450 euro avant de partir quasiment comme un voleur, mon Colnago rouge sous le bras.
Arrivé à l'agriturismo, sans une minute de réflexion, je pose en lieu et place des Ambrosio à boyau les roues du Gitane (qui sont à pneu!) sur le Colnago, effectue un rapide réglage des butées de dérailleur, vérifie (à peine) les serrages de potence et des freins, la hauteur de selle, et me met en tête à une heure du matin de courir le lendemain avec ce vélo qui fait pétiller mes yeux.
Une nuit sans sommeil plus tard (excitation de la course, peur de l'ampleur de la tache et petite fille de neuf mois qui se décide à faire sa pire nuit depuis des semaines...), je mets le vélo sur le porte vélo et vas prendre le départ d'une course magique sous le soleil de Toscane, ou le vélo se comportera impérialement, avec une légèreté, une rigidité et un confort absolument incroyables. Sans compter le plaisir de rouler sur un Colnago de cette couleur.
Quelques recherches plus tard m'apportent l'explication de l'affaire de la décennie...
Le vélo est en fait un "Victory" (c'est d'ailleurs écrit dessus), soit un Super des années 82-83 vendu en 85 avec un groupe Campa de moins haute tenue que le Nuovo record ou Super Record de ces années là (mais avec un look plus moderne, ce qui explique que j'ai d'abord pensé que le groupe était de la fin des années 80, mais en fait c'est bien le groupe d'origine...), et sans les nouveautés (nervures de cadre) qui font identifier un Super ou un Nuovo Mexico rapidement.
L'excitation de la course, du San giovese et des nuits sans sommeil une fois passée, on se rend compte que la peinture est parfois cloquante, meme si le grattage révèle une atteinte extrêmement superficielle, notamment aux endroits habituellement critiques (passages de câble), et bien sur que la pose des décalcomanies était moins "sérieuse" sur ces modèles d'entrée de gamme que sur leurs grands frères...
Alors que reste-t-il (de nos amours...) ?
Un très beau vélo (après tout un Super ancienne génération en Colombus SL, ni plus ni moins...), une course magique, une fiabilité sans faille pour un vélo acheté moins de douze heures avant le départ, et des souvenirs incroyables, et des roues Ambrosio à boyau quasiment neuves anodisées noires qui iront sur le Nuovo Mexico...
Et puis comme je refais le Nuovo Mexico de 1983 à neuf (genre neuf quoi), celui là sera mon vélo du quotidien, mon fidèle compagnon que je n'aurais pas peur d'abimer en tombant, et mon vélo spécialisé "Eroica" désormais.
Une petite précision, le groupe "Victory" est censé être l'entrée de gamme de l'époque de chez Colnago... Je n'ai jamais eu un vélo qui freinait aussi bien (certes ce sont les freins "super record" de 83 dont le dessin est repris, aucune raison que ca fonctionne mal), et le passage des vitesses a été d'une douceur et d'une fiabilité que j'ai rarement rencontré. Certes la cassette 7v de la roue arrière Rigida était neuve, ca aide.
Pour ceux qui se posent la question de remonter des italiens de ces années là, un beau groupe Victory, beaucoup moins cher que les Record de la meme époque, pour un look particulièrement élégant et moderne, est donc de mon point de vue à considérer...
Les photos à suivre...
Dernière édition par albo le Lun 7 Juin 2021 - 14:31, édité 2 fois