Ensuite, j’ai attrapé mon premier train, puis mon deuxième à Ashford, sans courir. Il suffisait de traverser le quai. Le problème principal a été de trouver une place pour le vélo.
En effet, même si le site de l’EMR précisait que mon trajet retour me permettait de voyager avec un vélo sans supplément, le bon sens me disait, lui, qu’il n’y avait pas de place pour mon vélo. Selon les trains, il y a, ou pas, une voiture avec un emplacement pour vélos. Pas de bol, sur les deux premiers, il n’y en avait pas. Il a donc fallu tenter de s’insérer, ou laisser tomber.
Comme j’étais pressé, et que je suis une saloperie de français arrogant, j’ai tout de même emprunté le train dans une voiture “normale”, en essayant de nous faire tout petits, mon nouveau camarade et moi-même. J’ai dû descendre à chaque arrêt pour laisser les autres voyageurs descendre et monter, mais c’est passé…
Pour le dernier train, j’ai dû évidemment faire à l’envers le trajet de Stratford vers Stratford International. Cette fois-ci, pas question de traverser le centre commercial avec cette échelle de pompiers… et qui sait, ce n’est peut-être même pas permis, en plus de n’être pas très citoyen.
J’ai donc ressorti mes applications favorites pour me trouver un trajet pédo-cycliste, et j’ai tenté de me frayer un chemin dans ce centre-ville décidément fort fréquenté.
Malheureusement, le chemin qui m’a été présenté comportait essentiellement des escaliers, des tas d’escaliers, des centaines de marches à monter et à descendre pour joindre ces deux gares. Chargé comme un baudet, mon échelle rouge sur l’épaule, avec un sablier dans la tête, j’avoue que mon palpitant a frôlé la zone rouge plus d’une fois.
Il n’empêche, je suis arrivé à temps pour le dernier train, et bien qu’il n’y ait pas non plus de voiture pour vélo, nous avons trouvé notre place, sans gêner personne cette fois.
J’ai pris le temps de prévenir la famille (et l’ancien propriétaire, inquiet) que je serai très certainement en retard. La réalité commençait doucement à faire son chemin dans mon esprit, et je voyais bien que même en forçant sur les pédales, j’arriverais à l’embarquement au moins 10 minutes après l’horaire de fin… Ce qui signifiait prendre le ferry suivant, quatre heures plus tard, et arriver en France à une heure du matin. Je me suis dit que ça me permettrait au moins de manger pépère face à la mer à Douvres, et d’arrêter de courir.
Sauf que… Il fallait tout de même que j’essaye. J’ai sauté du train (pas en marche, rassurez-vous), je suis passé au garage à vélo de la gare de Douvres libérer mon sacrificiel de son antivol (pour qu’il puisse se faire “emprunter” ; j’avais laissé l’antivol au cas où je n’ai pas le vélo rouge au retour, de façon à pouvoir reprendre le ferry bredouille, mais pas piéton).
J’ai ensuite commencé mon sprint de la gare aux docks, sans grand espoir toutefois.
J’ai donné tout ce que j’avais ; j’ai vraiment pris ma place sur la chaussée (à gauche !), j’ai côtoyé les bus dans les rond-points (merci le rétro à droite), jusqu’au moment où mes applis m’ont envoyé sur une route pas faite pour les vélos… J’ai donc continué un peu à pied, au milieu des klaxons, et j’ai retrouvé ma piste cyclable de bord de mer, où il faut bien sûr rouler en saumon (pour un français au cerveau pas encore entièrement latéralisé).
C’est d’ailleurs en donnant tout ce qu’il me restait de forces que le surnom amical de décroche-balloches s’est avéré un choix judicieux… La cassette et la chaîne n’étaient plus vraiment mariées (je verrai plus tard que la cassette est rincée, la chaîne est quasiment neuve), ce qui fait qu’à chaque fois que j’applique un couple généreux (toutes proportions gardées), la chaîne ripe et je me reçois de tout mon poids sur le très haut et raide tube horizontal…
Je tente alors de mouliner plutôt que de jouer les grosses cuisses, et je découvre alors un deuxième surnom à mon précieux, l’écrase-sacoches… Le dérailleur avant est sans doute placé un peu trop haut par rapport aux plateaux, il y a du jeu dans le boîtier de pédalier, et quand je pédale trop vite, je déraille à l’avant… ce qui me fait écraser lourdement les sacoches sur le tube horizontal…
Je ravale mes larmes pour mon égo blessé et mes bagages douloureux, et je tente, tant bien que mal, de finir mon “sprint” (qui n’a plus de sprint que le nom, car sans couple ni moulinage forcené, qu’est-ce que c’est ?) pour arriver au “check-in”.
Le check-in, je connais, j’ai tourné au moins trois fois dans le port pour en sortir, c’est facile, il suffit de suivre ce maudit trait de peinture rouge…
Tout le parking est vide, j’imagine les véhicules déjà sur la rampe qui mène au ferry.
Je le tente quand même, au pire, ça me fera des souvenirs à raconter sur VVAG.
J’arrive finalement avec 12 et pas 5 minutes de retard à l’embarquement, et le douanier (ou l’employé du ferry, allez savoir, j’étais dans un tel état que ça aurait pu être un Muppet sans que je m’en aperçoive) me reçoit avec le sourire… J’ai très largement le temps, le ferry est en retard. Oui, je suis sans doute le dernier, mais d’autres pourraient encore arriver, tout va bien.
Il me donne mon foutu document d’embarquement, tout va pour le mieux.
Le ferry est bien là, mais les camions n’ont pas encore quitté le navire. Les rats, peut-être.
Nous ne sommes que trois dans la file d’attente des deux roues, un autre cycliste et un motard, et plus rien ne presse.
J’aurai mon ferry à l’heure, ou presque, je ne perdrai pas quatre heures à Douvres, ça sent bon et ça vaut bien une petite photo souvenir.